L’Association des viticulteurs d’Alsace tient aujourd’hui son assemblée générale. Au menu des débats notamment, deux gros dossiers avec la hiérarchisation des terroirs et les plans d’encépagement.C’est un vrai serpent de mer du vignoble qui est en passe d’aboutir.

« Il n’y aura pas 400 premiers crus »

La mise en avant de spécificités liées au terroir existe déjà, via certains noms de communes et 600 lieux-dits, dont 400 régulièrement utilisés. Pour Olivier Humbrecht, il s’agit d’organiser tout cela dans l’intérêt du consommateur, mais aussi des producteurs « qui recherchent la protection de ces vins ». Le travail a commencé il y a un an, avec la création d’une commission de travail, restée discrète « pour ne pas créer de cacophonie ».

Plusieurs scénarios plus ou moins ambitieux sont à l’étude, qui incluent les appellations « villages », les lieux-dits, voire les « sous-régions ». Concernant les lieux-dits, on pense évidemment aux « premiers crus » déjà revendiqués par certains, qui se sont fait rappeler à l’ordre par la répression des fraudes. « Il y aura certainement une strate de lieux-dits méritants, peut-être regroupés sous le nom chapeau de premier cru » , commente prudemment Olivier Humbrecht. « Mais il n’y aura pas 400 premiers crus » , prévient Jérôme Bauer, le président de l’Ava, qui insiste sur un nécessaire « écrémage ».

Et si une strate « villages » devait être reconnue, que deviendront les toutes jeunes appellations communales ? « Cette strate devrait s’inscrire dans le cahier de charges existant des appellations communales » , estime Jérôme Bauer. « Aujourd’hui, les appellations communales constituent une mention complémentaire de l’appellation Alsace, mais ne bénéficient pas d’une protection complémentaire, il faut mettre tout ça en débat » , poursuit Olivier Humbrecht.

Un travail de titan

Le chantier s’annonce d’ores et déjà titanesque : « Qui dit hiérarchisation dit réorganisation des cahiers des charges et des rendements de chaque strate. » Des appellations intermédiaires inciteraient par exemple à rendre plus restrictifs les cahiers des charges des grands crus. Concernant le calendrier, les orientations devraient être débattues cet hiver, en vue d’une « validation l’an prochain en assemblée générale ». D’ici là, l’Ava appelle ses adhérents à participer au débat « dans les syndicats locaux et les sous-régions ».

Dernier point : la polémique lancée en début d’année par un collectif d’une dizaine de viticulteurs ( L’Alsace du 17 janvier) a-t-elle précipité les choses ? « Ils ont tiré juste avant que nous ne dévoilions notre démarche, mais aujourd’hui, nous bénéficions de leur plein soutien » , assure Jérôme Bauer. « Un petit groupe ne peut pas décider pour l’ensemble du vignoble , lâche Olivier Humbrecht. Il faut un schéma démocratique. Automatiquement, cela prend du temps. »

Si les premières réflexions sur le plan d’encépagement remontent aux années 1970, la décision de le rendre obligatoire date de 2008. L’idée est d’identifier dans chaque secteur les cépages les plus adaptés aux différents terroirs et à la climatologie locale, en s’appuyant sur la mise en commun d’expériences et les pratiques ancestrales. « Ce plan doit devenir un guide du bon sens pour les viticulteurs, notamment les jeunes » , explique Gilles Ehrhart, en charge du dossier.

Les syndicats viticoles locaux ont été chargés d’élaborer le plan de leur secteur et doivent rendre leur copie pour le 31 mars. Les plans seront ensuite validés par une commission spéciale d’ici juillet 2015, date butoir pour leur mise en application. Pour chaque zone, trois types de classement sont prévus : les cépages recommandés ceux autorisés et éventuellement ceux jugés « inap-propriés ». À partir de 2015, ces derniers ne pourront plus prétendre aux appellations « Alsace » et « Crémant d’Alsace ».

« Nous serons précurseurs »

« Cela peut sembler brutal, mais la plantation de cépages inappropriés dévalorise l’appellation et le cépage » , commente Gilles Erhart. Jérôme Bauer cite par exemple « la plantation au début des années 2000 de pinot gris sur des versants non adaptés, ce qui donne des petits vins ». À noter que le plan ne concernera que les nouvelles plantations et replantations, histoire de ne pas provoquer de révolution dans l’existant. À terme, le plan sera révisable – « peut-être pas tous les ans, évidemment ».

« Nous serons précurseurs , se réjouit Gilles Erhart. Nous serons le premier vignoble à définir un plan d’encépagement et à le rendre opposable dans les cahiers des charges. »

JOURNAL l’ALSACE Clément Tonnot